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Histoires de famille

 

Fidélité...

Elle veut y croire, que l'amour réel au sein d'une famille existe.

         Disons que ça a commencé en CM2, elle s'est réveillée la nuit, à neuf ou dix ans, à 3h du matin, elle a entendu ses parents parler et sa mère dire : « Tu t'en doutais pas du tout pour Claude ? », son père répondre quelque chose qu'elle n’a pas entendu. Et sa mère enchaîner avec « Ce serait mieux si on était fous d'amour sans enfants Â». Elle, elle a juste compris « Ah oui, je te trompe !» et « Pourquoi on a fait des enfants au fait ? Â». Autant dire que cela peut blesser. Elle n'en a parlé à personne, pas même à ses frères et sÅ“urs. C'est vrai, elle n'a jamais vu ses parents s'embrasser, jamais le moindre signe d'affection. La seule fois où son père a appelé sa mère « ma puce Â», c’était un pari lancé par le voisin.

         Quelques années plus tard, alors qu'elle cherchait des cartes avec sa sÅ“ur, Lætitia, dans leur maison de vacances, leur mère refusa catégoriquement qu'elles cherchent dans son armoire. Évidemment, une fois leur mère partie chercher le pain, elles ont regardé et sont tombées sur des pilules et des préservatifs. Alors que leur père n'avait pas pris de vacances. En revanche, Claude lui était venu. Elle n'a pas tout de suite expliqué à Lætitia parce qu'elle ne voulait pas lui faire de mal. Mais lorsque Lætitia a fait remarquer à quel point leur mère pouvait être mièvre quand Claude était dans les parages, elle lui a tout raconté. Elles n'en ont pas parlé à leur mère et plus entre elles non plus. Lætitia a simplement dit qu'elle pensait ne pas être capable de tomber amoureuse à cause d'eux.

         À chaque fois que Claude venait chez elles, elles étaient froides et un jour où elle était énervée parce que Claude n'avait pas enregistré un travail qu'elle faisait sur des photos, elle se montra encore plus désagréable au point que, le lendemain, sa mère voulut qu'elle ne sorte plus qu'une fois par semaine. Énervée, elle a tout expliqué. Sa mère a dit que ce n'était pas un secret, que leur père savait depuis longtemps. Elle s'expliqua : elle ne souhaitait pas ne pas avoir d'enfants ; pour elle « la fidélité, c'est la présence Â». Elle ne lui en a plus reparlé. Inutile selon elle. Sa sÅ“ur en a beaucoup voulu à sa mère ; en plus, Claude est son parrain, la blague. Mais sa sÅ“ur, qui a eu du mal à l'accepter, dit aujourd'hui qu'elle a pu détester sa mère pour sa plus grande qualité : le fait qu'elle soit restée avec la famille malgré tout. Autant dire qu'elle, elle n'est pas d'accord avec ça.

         Depuis, elle fait son hypocrite quand Claude vient, et supporte. Même si elle a l'impression de ne plus exister, lorsqu'il est là. Et surtout lorsque sa mère est là une semaine sur deux pour aller jouer à l'infirmière dans un trou paumé en Touraine, parce que Claude s'est fait opéré de la prostate. Au moins, ils ne coucheront plus ensemble.

         Elle a une vision tellement bizarre du couple, les parents sont sensés représentés l'amour pour leur enfant non ? Raté pour elle en tout cas. Un couple fidèle, est-ce que ça existe ? C'est ça son but, se le prouver à elle-même.

         Les parents de la plupart de ses amis sont séparés, le couple qu'elle admire le plus est celui des parents de son copain, mais même s'ils s'aiment, tout n'a pas été rose car le père a couché avec la mère du meilleur ami de son copain. Alors, elle ne croit pas toujours à une histoire heureuse. Oui, à présent ils sont bien heureux ensemble, mais ils ont détruit ce garçon qui s'est renfermé dans ses jeux jusqu'à tomber amoureux, et ça n'a pas été drôle pour lui, loin de là. Ce qui fait qu'avec lui elle veut y croire, que l'amour réel au sein d'une famille existe. Un jour.