Lycéen
Changer
« Toutes ces sensations, il ne faut pas qu’elles s’effacent avec le temps. En devenant adultes, on doit garder cette sensibilité, parce qu’elle symbolise notre humanité. »
D’aussi loin que tu te souviennes, on t’a toujours dit que le lycée amenait la liberté, un renouveau intérieur. Au lycée, tu découvres l’amitié, l’amour, mais aussi le stress, la peur de l’avenir, d’être jugée. Tous les sentiments arrivent en se bousculant.
Contrairement à ce que tu penses, tu n’es pas si différente. C’est là que tu réalises que non, tu n’es pas si seule, si bizarre. En rencontrant de nouvelles personnes, tu comprends que les gens sont variés, mais que partout, tu peux trouver des personnes qui te feront te sentir mieux, et vivante : à ta place.
Tu es tombée amoureuse. C’est un grand mot, hein ? Ça fait peur. Tu as l’impression que personne autour de toi ne peut comprendre ce que tu éprouves. C’est terrifiant, parce que tu as la sensation de toujours tout ressentir dix fois plus fort, d’exagérer en continu tes émotions, parce que d’une simple sensation, tu crées tout un univers. Alors évidemment, en le rencontrant, c’est ta façon de voir les choses qui a changé.
Tu as subi des rumeurs, aussi. Le mépris, la mauvaise réputation, jamais tu n’aurais imaginé en être la cible. Tu croyais que le lycée amenait la maturité. Ô combien tu as eu tort… Ici, tu ne peux t’accorder la moindre erreur, parce qu’elle ne restera pas secrète, au contraire. Si tu te trompes, ça tournera, ça sera déformé. Il suffit d’un acte stupide, non contrôlé, et dès le lendemain, tout le lycée sera au courant. Les gens se racontent tout, ta vie est présentée à tout le monde. Ils changent la vérité, mentent pour te blesser. Tu te retrouves avec une image collée au front, pas complètement fausse, mais douloureuse. Du jour au lendemain, tu passes de l’anonymat à la fille qui a brisé le cœur de sa meilleure amie, celle qui ne pense qu’à elle et couches avec le premier venu. Pourtant tu n’as rien fait… On parle de toi comme d’une « pute ». Le mot est cru, mais faible comparé à tous les commentaires des autres. Des gens viennent te voir pour te dire qu’ils savent ce que tu as fait. Mais qu’as tu réellement fait ? Peu leur en importe. Tu sens au quotidien les regards sur toi, tu entends des insultes qui suivent ton passage… Et puis, tout doucement, tu deviens paranoïaque. Quand tu rentres chez toi le soir, tu pleures en marchant dans ta solitude, parce que tu dis que personne ne compatit, que t’as « merdé » sur toute la ligne. Les gens que tu croises n’ont pas un sourire pour toi, pas un regard chaleureux. Au contraire, la froideur inexpressive de leurs visages te brise. A la maison, tes parents sentent bien que quelque chose ne va pas, seulement tu ne peux pas leur expliquer ce que tu as fait, ce que tu vis ; et tu t’éloignes d’eux. Comme ils ne comprennent pas, ils t’engueulent pour ne pas voir ton mal-être.
C’est là que tu as été sauvée. On en rajoute des couches quand on est adolescent… Mais sans tes amies, sans lui, tu te serais complètement refermée sur toi-même, convaincue que ceux qui te haïssaient avaient raison. C’est facile de se sentir minable, ça l’est moins de remonter la pente de l’estime quand tu l’as descendue à toute vitesse. On t’a aidée, et tu as compris que l’amour qu’éprouvent les jeunes ne doit pas être perdu. Toutes ces sensations, il ne faut pas qu’elles s’effacent avec le temps. En devenant adultes, on doit garder cette sensibilité, parce qu’elle symbolise notre humanité.
Et puis, à côté de cela, il y a tellement d’autres événements qui viennent te bousculer…
Tu toujours été sûre de vouloir devenir architecte, c’était devenu ton rêve, mais aussi celui de tes parents. Là est l’erreur… Ce n’est plus le tien. Tu as mis du temps à t’en rendre compte.
Les cours, ça ne suivait plus vraiment. Tu ne travaillais plus, incapable de te concentrer. Tu as toujours eu peur de l’avenir, tu n’arrives pas à te projeter, à faire un choix unique et t’y tenir. Au lycée, tu as l’impression que tu dois accélérer, sans quoi tu vas être dépassée. Dans ces moments-là , tu aurais aimé te sentir soutenue par tes parents, sauf que ça a été le contraire. Ils t’ont effrayée encore plus. Un soir, vous commencez à crier. Tu es en larmes, tu n’en peux plus de toute cette pression, de cette atmosphère qui t’étouffe. Tu tentes de leur faire comprendre que tout va mal pour toi, mais ils sont sourds, aveugles. Ils te reprochent tout. Tes notes, ton comportement, ta dernière soirée qui a mal tourné selon eux, tout y passe. Et toi… Toi tu exploses. Tu veux partir, t’enfermer dans ta chambre, mais ils ne te lâchent pas.
Au fond, tu crois qu’à leur façon, ils cherchaient juste à t’aider, à te motiver. Seulement, ils ne voient pas les choses de la même façon que toi. Tu t’étais toujours sentie proche d’eux, mais tout cela vous a éloigné brutalement. Parce qu’au delà des notes, tu penses que le problème, c’est qu’ils ne veulent pas te voir grandir différemment de leurs espérances, comme beaucoup de parents au fond. Tu ne veux pas les décevoir, pourtant c’est la sensation qu’ils te donnent parfois, sans tomber dans le cliché de l’adolescent incompris de ses parents, en rébellion contre eux… Tu aimes tes parents, jamais tu ne pourrais avoir l’envie de leur déplaire, de ne plus leur parler, sauf qu’au quotidien, ils se comportent comme si c’était ce que tu désirais.
Alors oui, tu as changé. Ca fait peur parfois, de sentir que tu n’es plus la même. Tu espères être devenue mature. Tu as des envies d’indépendances et d’évasion. Tu voudrais faire taire tous ces sentiments qui se bousculent dans ta tête, mais ils font que tu es toi-même aujourd’hui.
Ces neuf mois ont été les plus riches en émotions que tu as pu vivre. Au fond, l’adolescence que tu vis là est pleine de petits événements qui te changent profondément. C’est peut être ça que l’on appelle grandir… Et si, parfois, tu te sens perdue, tu sais maintenant qu’il y aura toujours une solution, des gens à qui s’accrocher. Parce qui que tu sois, il faut savoir que tu n’es jamais complètement seul.
Mai 2014
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